Fin des moteurs thermiques en 2035 : des bâtons dans les roues

L’Europe arrivera-t-elle a tenir sa promesse d’une mobilité décarbonnée ?

Alexis Braillon

Le 14 février 2023, l’Union européenne a validé la loi scellant l’interdiction des ventes de voitures thermiques à compter de 2035. Cette ambition est aujourd’hui critiquée par les constructeurs, institutions, certains politiques et autres commentateurs.

© Dušan Cvetanović

Initialement enthousiastes, les grandes marques affichent désormais des réticences face à cet objectif. La principale raison invoquée est la baisse de l’engouement récemment observé avec le tassement des ventes de véhicules électriques.

Renault a ainsi émis des messages contradictoires. Luca de Meo, directeur général, déclarait récemment dans Les Echos que l’objectif de 100 % de ventes de véhicules électriques en 2035 était « compliqué ». Cependant, il a ensuite précisé que la marque reste « hyper convaincue » que l’électrique dominera en Europe et qu’elle est la meilleure solution pour réduire l’impact environnemental du transport.

Bien que certains partis politiques aient tenté de remettre en question ces échéances lors des élections européennes, la réélection d’Ursula von der Leyen à la présidence de la Commission européenne semble confirmer la poursuite de cet objectif.

Tres ambitieuse, Volvo souhaitait ne plus vendre de voitures electriques apres 2030. Jim Rowan, le patron du constructeur suédois explique dorenvant que « nos hybrides rechargeables et nos hybrides simples sont encore très populaires auprès de nos clients, et nous continuerons à investir dans cette gamme ». Sous-entendu, Volvo continuera de commercialiser des voitures non-electriques apres 2030.

En plus de l’interdiction totale en 2035, les constructeurs doivent également respecter des objectifs intermédiaires visant à réduire progressivement la part des véhicules thermiques et hybrides au profit des véhicules électriques. Dès 2025, des amendes significatives menacent les constructeurs s’ils ne vendent pas suffisamment de voitures « propres ». Pour faire simple, les ventes de voitures électriques devraient constituer environ 25% des ventes totales. La moyenne est à environ 15% aujourd’hui.

Les estimations donnent des amendes qui se chiffrent en milliards d’euros. Le groupe Volkswagen pourrait payer 4 à 5 milliards d’euros, tandis que Renault et Stellantis s’exposent à des amendes avoisinnant le milliard d’euros.

Une alternative anecdotique est l’utilisation de carburants synthétiques. Apres des semaines de discussions, la Commission autorisera la commercialisation de moteurs thermiques apres 2035 « à la condition qu’ils utilisent exclusivement des carburants synthétiques ». Cependant, leur coût élevé, entre 2 et 3 euros le litre, pose problème. Porsche a inauguré une usine de production de e-carburants au Chili fin 2022, visant une production annuelle de 500 millions de litres à partir de 2026.

Ferrari, quant à elle, souhaite continuer à développer des véhicules équipés de moteurs à combustion interne après 2035 grâce aux carburants synthétiques. Mais tout cela concerne principalement des niches spécifiques, telles que le sport automobile et les clients fortunés.

Dans un rapport d’avril dernier, la Cour des Comptes etait elle aussi tres sceptique sur la capacite de l’union europeene à atteindre ses objectifs de decarbonisation. Point faible : la non-compétitivité du vieux continent pour fabriquer des batteries. «L’industrie européenne des batteries est à la traîne», malgré «des aides publiques importantes», selon le rapport. Et d’ajouter : «moins de 10 % de la capacité de production mondiale» est basée en Europe et la Chine «détient à elle seule 76 % des capacités mondiales».

Au final, les consommateurs européens paieront le prix fort : les amendes seront repercutées sur le prix de ventes des véhicules, les voitures electriques sont toujours trop chers, les subventions payées par les impots disparaissent peu à peu, et les vehicules produits en chine seront davantage taxés, pour sauvre une industrie automobile europeenne en danger. A cela s’ajoute les investissements colossaux necessaires pour le developpment des infrastructures de recharge et les besoins en electricitie. Une equation impossible.